Tekniska museetQuelques repères

Nous vivons dans un monde d’images mais aussi de son. Télévision, radio, présentations de travail, films, … tous ces médias utilisent la voix, à la fois comme support du message ou objet-même de ce message. Si nous avons l’habitude d’entendre ces voix, le travail de doublage ou de voix OFF est quant à lui souvent méconnu voire ignoré.  Clara Vega nous en dit plus sur cette profession peu connue.

Comment définis-tu le travail lui-même de doublage ?

C’est une traduction ou une adaptation si tu préfères. Quand vous lisez une nouvelle traduite d’une autre langue, vous lisez en fait l’adaptation qu’un traducteur a fait par le passé. Le doublage relève du même processus. Vous entendez la traduction réalisée à partir du script original, ce qui vous permet ainsi de vous dédier à l’oeuvre cinématographique plutôt qu’à la lecture des sous-titres, qui ne vous laissent souvent peu de temps pour apprécier le film (cela devient alors une nouvelle narrée).
Entre les acteurs du film et ceux qui doublent, les voix sont, évidemment, différentes mais les mots seront (ou devraient être) en synchronie parfaite avec les mouvements de lèvres de l’acteur sur la pellicule. Réussir cette parfaite synchronisation est un art en soi. C’est une capacité totallement différente de celle des comédiens-acteurs car le doubleur ne doit -en rien- contribuer au personnage dont il double la voix mais bien coller à ce qui a déjà été crée par les comédiens-acteurs orginaux.
Je ne pense pas  qu’il y ait plusieurs catégories de doublage car le processus est le même pour les dessins animés, les films d’action, les séries, … L’acteur-doubleur va en studio et regarde trois ou quatre fois sa séquence avec la prise de son originale avant d’enregistrer et ce, après les explications et directions données par le directeur. Ca, ce sont les répétitions. Puis, silence dans le studio, lumière rouge et action ! La traduction complète d’un épisode de série prend d’habitude une matinée entière. Le même procédé prend, pour un film, quelque jours. Notons que nous ne parlons ici que du procédé d’enregistrement de voix, les techniciens du son auront encore par la suite à mixer le tout, ce qui peut prendre jusqu’à une semaine.

 

B0003569 Schizophrenia - hearing voicesQuels sont les défis, particulièrement pour les films traduits ?

Le défi le plus important est peut-être bien de garder l’intérêt du public. Au fur et à mesure beaucoup de gens -et particulièrement les jeunes- sont trop impatients pour attendre la traduction dans leur pays du dernier épisode de leurs séries préférées ; ils ont donc tendance à chercher l’épisode en version originale et d’y coller quelconques sous-titres trouvés sur internet qui ont principalement l’avantage d’être disponibles juste après la diffusion aux États-Unis ou au Royaume-Unis. Vous ne pouvez pas rivaliser contre ça : qualité contre désir ardent.
Si un studio s’efforce à doubler une série télé aussi rapidement, la qualité en sera sans doute possible affectée. C’est une terrible erreur que de pense que le public ne relèvera pas ou acceptera cette pauvre qualité du doublage.

 

Title cover, voice pipe_Data provider Royal Museums GreenwichAs-tu pu observer des évolutions depuis le début de ta carrière ? Et quels sont, selon toi, les prochains enjeux de la profession ?

Une mode de plus en plus importante est celle d’engager des « célébrités » (de télévision, des chanteurs, … et donc pas nécessairement de bons acteurs) pour le doublage de certains films. Je ne parle pas des dessins animés réalisés sur une session d’enregistrement propre, comme ça l’est pour la version originale. Il ne s’agit pas à proprement parler de doublage car d’abord les acteurs jouent (et parlent) puis les dessinateurs s’inspirent de ça pour façonner les personnalités des personnages.

Utiliser des célébrités pour le doublage est clairement une démarche et une stratégie marketing qui me dépassent totalement … Comment quelqu’un pourrait-il vouloir aller au cinéma juste pour entendre la voix d’une personnalité locale au lieu de vouloir voir un bon film ? Surtout que leur travail est si souvent moyen… si ce n’est affreux ! Ces dernières années, avoir des « voix de célébrités » est devenu si commun pour les films d’animation et certaines comédies. Et le résultat en est perturbant car vous entendez alors que le personnage secondaire a une personnalité clairement supérieure à celle du personnage principal grâce à son acteur, doubleur professionnel. J’évite toujours ce genre de doublages. J’adore les bons doublages. Mais si le doublage me sort trop de l’histoire, je change alors directement sur la version originale !

 

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Helene Herniou