Culturellement détruit

Arts , Editorial Articles , Museums - Venues , Public spaces - Hacking Mar 09, 2015 No Comments

Quelle peut être l’exacte définition de « détruire la culture » ? Je veux dire, on sait ce que signifie l’absence de culture (du « il n’y a plus de culture de nos jours ! » avec une voix chevrotante à « notre société manque de culture » dite avec un air hautain) mais détruire semble aller plus loin que ça. Première situation, les sites patrimoniaux sont des domages collatéraux de la guerre. Que cela soit important ou pas, la furie aveugle et sanguinaire ne peut connaître d’entrave. Il en est de même pour la culture immatérielle bien sûr mais cela prend plus de temps … sans parfois aucun succès d’ailleurs ! Seconde situation : plus que l’ignorance ou le snobisme culturel, c’est pertinamment savoir que ça existe ET décider que cela doit disparaître.

Si l’on avait déjà des preuves de ce genre d’actions dans l’histoire récente, par exemple par la destruction des Bouddhas de Bamiyan (Afganistan, mars 2001) ou au Mali avec les nombreuses destructions du patrimoine malien, parmi lesquelles la grande Bibliothèque (Tombouctou, juin 2013). Mais les récents événements en Irak ont atteint un nouveau niveau dans la barbarie. Si on regarde le tableau de plus loin, on réalise que ces destructions ne sont en fait qu’une partie d’un deuxième volet … combien avant ça (et toujours à présent) d’humains assassinés (Yazidis, Assyriens, Chaldéens, …) et toujours sous leur joug sauvage et barbare ?! La dimension religieuse n’a bien sûr rien a voir ici, elle est tout juste une « raison » aisée à utiliser, pour ces gens sans autre foi que leurs propres intérêts, et pour essayer d’enroler des esprits faibles.

Nous sommes donc en face d’une clique qui ne peut entendre raison puisque, officiellement, ils « détruisent des idoles » or, pour de simples raisons mathématiques, cela ne se peut puisque on parle ici d’objets et de sites patrimoniaux créés environ entre 1500 et 700 ans avant le début de l’Hégire avec quasi plus personne pour les adorer à part bien sûr les archéologues et les historiens ! Notons cependant qu’ils ne détruisent pas toutes les « idoles » puisqu’ils réalisèrent rapidement que leur vente représentait un sacré pactole, … à tel point que c’est parmi les premières ressources financières de l’Etat Islamiste … Et cela est tout de même plus glorieux que s’attaquer en bande armée à des enfants ou des femmes … ou des pierres !

Mhum … mais dans quel cas, quelles peuvent être nos réactions en temps que citoyen, que professionnel de la culture ou amateurs ? De nombreus solutions ont en fait déjà été trouvées : créer une campagne de documentation ouverte et participative des artefacts perdus (comme vous pouvez le voir sur Wikipedia par exemple ou encore ici), des reconstitutions numériques des sites patrimoniaux (comme l’a fait le MET avec le palais de Nimroud ou des sujets de recherches de thèses), des conférences publiques sur le sujet (axées histoire et histoire de l’art) par les musées et les structures universitaires, d’autres enfin proposent de re-construire.

Mais cela est-il suffisant ? Beaucoup disent « déstruisez le passé, vous contrôlerez le futur » mais il semble que ça n’a jamais tenu le temps ! Beaucoup ont appliqué cette logique et stratégie nihiliste mais, in fine, l’histoire finit inéluctablement par resurgir ! (L’exemple de la religion brésilienne du Candomblé est du reste assez remarquable à ce sujet !). Détruire la culture n’est pas simplement détruire une culture d’un pays ou d’une région, c’est s’attaquer à tout un chacun, à l’humanité de tous les temps, celle du passé et celle du futur.

Dans une époque où nous voulons un meilleur accès à la culture pour tous, une période centrée sur les explications et les découvertes, les aventures et le whoa-effect, cette situation doit nous pousser à défier notre créativité et notre imagination pour trouver de bonnes solutions pour faire face à cette sauvagerie, aveugle et stupide !

Helene Herniou