#JeSuisCharlie

Editorial Articles Jan 11, 2015 No Comments

Ce mercredi 7 janvier 2015, 2 hommes armés ont pensé qu’ils étaient au-dessus des lois, au-dessus de tout le monde, au-dessus de la diversité des opinions ; ils ont pensé qu’ils étaient assez légitimes pour imposer leur conception du monde comme la seule et unique valable et ils ont décidé qu’il leur revenait de « corriger » ce qu’il n’allait pas ; ils ont alors assassiné 12 personnes et blessés 4 autres. Au même titre que le World Trade Center était un symbole de la fierté américaine, Charlie Hebdo était la figure de proue de la liberté d’expression à la française.

Certes, la comparaison peut sembler trop forte quant à la disproportion des chiffres : 2823 morts à New York et en Virginie (Pentagone), 17 à Paris ; 19 meurtriers internationaux aux États-Unis, 3 en France. Cependant certains points communs subsistent : ce sont bien deux symboles qui ont été visés et de nombreuses personnes à travers le monde partagent la même tristesse et la volonté de montrer que la solidarité n’est pas qu’un mot.

Ce n’est pas évident pour moi d’écrire sur ces sujets : la presse, la liberté, les meurtriers, la folie qui touche le monde, l’incapacité crasse des politiciens, les dangereux connards, … l’humanité à vrai dire. Je n’ai pas reçu de formation journalistique, je ne suis certainement pas une experte de ces sujets et je ne suis pas dans le secret des dieux (très heureusement, sans en douter !). Mais, j’ai été élevé dans une Ecole laïque, publique et républicaine et j’ai eu la grande chance d’avoir des parents qui m’ont toujours encouragé à chercher, débattre et former ma propre opinion. Grâce aux femmes et hommes qui m’ont précédés ainsi qu’aux lois de mon pays, j’ai également eu la possibilité d’exprimer librement cette opinion. Non, la liberté d’expression et d’opinion n’est pas le seul apanage de la presse mais bien celle de tout le monde, de l’artiste au citoyen ! Charlie Hebdo a choisi d’utiliser la voie de la satire pour grossir et exagérer ce qui, selon eux, n’allait pas dans le monde (sans aucune distinction de qui, quoi ou comment du reste !) mais jamais avec l’objectif d’imposer leur point de vue mais bien de faire réfléchir tout le monde. Que l’on soit d’accord avec leurs prises de position ou non, cela n’a rien à faire dans ce débat et même, pour aller plus loin, tuer quelqu’un ne pourra jamais être légitime.

De cet attentat est né “Je suis Charlie” : un hashtag (un des plus populaire depuis la création de Twitter) et une image, créée par Joachim Roncin, utilisée partout dans le monde.

Beaucoup en France disent qu’il y aura un avant et un après Charlie Hebdo… bof! Comme pour le 11 septembre ?! Il y aura sans aucun doute des différences (notamment la restriction drastique des libertés qu’essaie de faire passer le gouvernement) mais certainement pas en matière de tolérance et d’entente ! Les États-Unis ont mené de nombreuses guerres et attaques contre les islamistes et le résultat peut, malheureusement, parfaitement être illustré par la situation en Afghanistan !

Et qu’en est-il de cette sacrée union nationale ? (terme assez étonnant pour un pays laïc !) Le mercredi même, en France, des internautes (de dangereux idiots) ont partagé, principalement sur Twitter, leur manque total de sentiment vis-à-vis de ce qui s’est passé à Charlie Hebdo. Par ailleurs, le jour suivant a vu d’autres voix, françaises ou étrangères, s’élever contre cette unité autour de « Je suis Charlie », tout en partageant cependant le même sentiment de tristesse. Mais, un point intéressant à relever est que les citoyens n’ont pas été les seuls à mettre à mal cette « union nationale » puisqu’un grand nombre de politiciens ont enjoint les musulmans de France de se « désolidariser » de ces attentats islamistes. Comme s’il y avait quelconque point commun entre eux ! Ceci est minable, intolérable et m’a affreusement choqué ! Dimanche, finissant cette semaine à rebondissements, près de 4 millions de personnes (françaises ou non) se sont rassemblées partout en France dans des défilés pour affirmer ces principes de liberté et de tristesse mais également aussi contre la peur qui ne doit pas gagner. La marche parisienne a aussi vu des politiciens (séparés de la marche principale pour des « raisons de sécurité ») défiler, dans une tentative maladroite d’union internationale pour la défense de la liberté de la presse. C’est donc dans ce contexte de marche républicaine et de liberté d’expression que l’on a pu voir des représentants de l’Égypte, de la Turquie, de la Russie, d’Algérie et des Émirats Arabes Unis (notamment) …
En fait, je pense qu’il y a ici un grave malentendu : il ne s’agit certainement pas de défendre une union nationale (nous en sommes tellement loin) ou même de pleurer les caricaturistes (ou, disons, pas plus que les 13 autres assassinés) ou encore de défendre envers et contre tout Charlie Hebdo (ce serait tellement contre leurs principes : imposer un seul point de vue, ne pas laisser place à la réflexion). Non, ici le véritable enjeu est bien la défense du droit à la liberté d’expression, envers et contre tous. C’est pourquoi tant de personnes à travers le monde se sont senties concernées par ces attaques. « Nous sommes libres et nous n’avons pas peur ! » pouvait-on lire lors des manifestations ce dimanche 11.

Durant cette semaine, si l’on n’écoutait que les médias français il n’y en avait que pour Charlie Hebdo (informations ou simple commentaires, du reste). Rien d’autre. Quid du reste du pays ? Quid du reste du monde ?! Durant cette même semaine, Boko Haram a massacré 2000 personnes, une ville et ses environs, sur 5 kilomètres, ont été dévastés, les populations décimées sans aucune pitié. Qu’en est-il d’eux ? Leur sort est donc moins important pour que les médias français n’en parlent, pour les plus rapides d’entre eux, que samedi ?!

A partir du moment où les pays occidentaux ne seront capables de ne regarder rien d’autre que leur nombril, d’ignorer ostensiblement les autres pays, à partir du moment où le sensationnel sera privilégié à l’information et à la réflexion, à partir du moment où nous ne serons pas capable d’écouter sans préjugé ou intérêts financiers/politiques/personnels, rien ne changera.

J’ai lu un commentaire qui disait que la tolérance est, d’abord et avant tout, une pratique. Si nous savons parfaitement que notre « élite », nos politiciens et les décisionnaires sont trop lents, frileux et incompétents, nous devons nous rappeler qu’en tant qu’individus et citoyens nous pouvons faire beaucoup !

Liberté, Égalité, Fraternité

Ce ne doivent pas être de simples concepts !

« Le résultat le plus important qu’offre l’éducation est la tolérance » Helen Keller

 

Helene Herniou