Cherche mouton à 5 pattes, pour gratuit

Editorial Articles Août 01, 2014 1 Comment

Je suis l’heureuse propriétaire d’un master 2 en médiation culturelle numérique … depuis juin 2001. Depuis ? Rien ! Enfin, si : j’ai eu la grande chance d’avoir trouvé un CDD en tant qu’assistante de communication dans une structure territoriale. Mais nul autre travail payé. Bien sûr, si j’offrais mes services pour rien, je trouverais (et, à dire vrai, j’en ai trouvé !) et, comme beaucoup d’étudiants, j’ai accepté beaucoup de travail gratuits ou presque, ce que l’on appelle coquettement « stages ». Du reste, les sites d’emplois -français ou britanniques- sont remplis d’offres de stages et d’apprentissages. C’est, à y penser, assez incroyable de voir que les structures culturelles ont tellement besoin de travailleurs gratuits (ou presque) et si peu de professionnels correctement payés ! Bien sûr, ce sont toujours les mêmes raisons qui sont invoquées : trop de candidatures (et c’est vrai que 200 candidats pour seulement un poste, c’est beaucoup -et promis, je n’exagère pas !), les gouvernements se désengagent financièrement de plus en plus (et ce n’est malheureusement vrai pas seulement du gouvernement français), gérer une structure culturelle coûte chère, … Certes, il est juste que le monde culturel devient de plus en plus compétitif, que gérer une structure culturelle demande beaucoup de qualifications donc de professionnels à payer, que les gouvernements trouvent de moins en moins pertinent d’investir dans la culture (sauf si cela est « glam » ou fait du « waw-effect » ou permet d’obtenir une publicité idéale) mais est-ce réellement une raison pour préférer économiser sur les salaires des professionnels (que ce soit en interne ou en externe) au profit d’autres postes de dépenses ? Mon problème pour trouver un travail, payé ou non, n’est pas seulement le mien : nous voulons tellement trouver un travail dans la culture que nous en sommes acceptons de travailler dans des conditions inacceptables (presque à être esclaves). Est-ce normal de ne pas reconnaître le savoir-faire d’un master ou d’un doctorant et/ou d’un professionnel expérimenté ? Bien sûr, je parle ici des professionnels de la culture mais cela est maheureusement vrai de beaucoup d’autres métiers. La véritable question qui apparaît ici est la valeur que nous sommes prêts à donner au travail. Si l’on considère que tout travail mérite salaire, pourquoi y a-t-il autant d’emplois sous-payés ? Si, au contraire on part du principe que la compétence est sans valeur, pourquoi tant de structures ont-elles encore besoin de main d’oeuvre ?! Dans tous les cas, l’excuse financière ne peut plus tenir. Nombreux sont de ma génération à réfléchir, créer, inventer et proposer de nouvelles solutions, parmi elles, la question de la valeur du travail. Je pense réellement que nous sommes à la frontière de deux mondes qui s’affrontent pour la victoire finale. D’un côté vous avez notre monde actuel, bâti sur des idéaux mais qui n’a plus les moyens de ses ambitions et a tourné en oppression tyrannique et aliénante. De l’autre, un monde totalement nouveau où tout est à ré-inventer. Mais, dans tous les cas, la question du travail et de sa valeur doit être au coeur de cette bataille car il ne s’agit pas seulement d’une ressource financière ! Un certain nombre de travailleurs aime ce qu’ils font. Nous sommes bien en face d’un problème de considération de l’être humain, de savoir et de comment nous voulons vivre en société ! Nous ne possédons pas le monde, nous l’empruntons à nos enfants ; il en va de même pour la culture … aurait pu écrire Saint-Exupéry.

Helene Herniou