Translate original post with Google Translate
On le sait, regardez ailleurs ce qui se passe en termes de culture et de médiation est toujours enrichissant ! Voici une nouvelle proposition britannique : exposer, pendant deux semaines, dans la rue et les espaces publics, à la place des affiches publicitaires, des reproductions d’œuvres d’art.
De quelles oeuvres d’art s’agit-il ? Celles de la Tate Gallery. Logique puisque cette opération est une coopération entre la Tate et Richard Reed (créateur des jus Innocent). Comment les oeuvres ont été sélectionnées ? Par le public (selon le tri effectué d’abord par la Tate … ce qui pose la question du choix de ce que l’on veut faire voir au grand public, la question du consensus, …). Et là se trouve ce qui me semble être le véritable intérêt de cet événement de deux semaines : impliquer le public (financièrement [puisque c’est grâce au crowdfunding du grand public que ce projet a pu être matérialisé] et intellectuellement puisque c’est eux qui ont voté pour le choix des oeuvres) dans la conception et la réalisation de Art Everywhere.
Intéressant oui parce que, finalement, ce souci de faire entrer l’art (pardon, l’Art) dans le quotidien des gens, ce n’est pas nouveau. Exposer des oeuvres d’art dans l’espace public est quelque chose de courant -du moins en Europe- puisque nombreuses sont les villes bénéficiant de bâtiments remarquables, de places aménagées (que ce soit par lors des siècles précédents ou de manière contemporaine -l’un n’excluant souvent pas l’autre !) et les Occidentaux sont souvent confrontés aux oeuvres du passé ou du présent, dans les espaces publics. Néanmoins, ces oeuvres qui se trouvent sous leurs yeux, qui habitent ces espaces, ne sont là que par le choix d’un petit nombre de personnes, de dirigeants et/ou de décideurs. Là, le choix de la sélection est ouvert, virtuellement, à tout un chacun. Cela signifie qu’une campagne de communication a été menée auprès des publics britanniques pour s’intéresser à ce projet. Quels ressorts seront utilisés ? Quels objectifs chiffrés se fixent les organisateurs ? (visiteurs sur internet, votants, financement récolté, quelles retombées communicationnels et (surtout) quels messages retenus, ….). Autre travail qui a dû être pensé et imaginé : quelles communication pendant la campagne de vote ? Comment soutenir l’intérêt du public durant la période de vote et par quels moyens ? Enfin, troisième moment -mais pas le dernier ! : la réalisation du projet. En effet, si l’on se met dans le schéma (dorénavant presque sésame, merci Audrey !) du avant-pendant-après eh bien on se retrouve là non devant un triptyque mais tétraptique : avant-toujours avant (mais peut-être le plus intéressant)-pendant (mais ce n’est qu’un résultat)-après.
Cependant, la question de la pertinence de l’opération et de sa réalisation ainsi que de l’impact de celle-ci se pose (et du reste a été posée relativement rapidement). En effet :
-Quel intérêt de présenter des oeuvres d’art dans l’espace public ?
Evidemment, tout effort pour faire mieux connaître les arts et laisser la possibilité aux publics de s’y intéresser de leur propre manière, selon leurs envies et pas en singeant ce qui croient être LA seule manière « d’apprécier l’art » est toujours quelque chose de TRES positif et, à mon avis, un objectif a toujours garder en ligne de mire. Cependant, il me semble que l’on peut s’interroger sur le choix du lieu. Est-ce que des reproductions d’œuvres d’art auront le même effet que les oeuvres originales ? Evidemment, là, on touche la question de l’original et de la copie, du « c’est mieux que rien », des avantages de la copie (souvent plus grande) vis-à-vis d’un original relativement difficilement accessible (physiquement et intellectuellement). De même, mettre des reproductions à la place d’affiches publicitaires, sur des espaces que tous les passants savent être publicitaires et que beaucoup d’entre eux ne regardent plus qu’à peine tellement que la publicité et partout et que nos « yeux » font un tri « naturel » pour ne pas nous encombrer l’esprit d’informations non nécessaires (désolée, chers publicitaires), est-ce un choix pertinent ? Il est possible que l’effet de surprise permette de revoir le panneau publicitaire mais très rapidement, cela repartira dans nos « spams visuels ». Par ailleurs, le message, malgré toute la communication qui a pu être menée, peut être confus car s’il s’agit de reproductions (sans aucun respect des dimensions originales, ou au moins des proportions) à la place de publicités … le deviennent-elles alors ? Les passants ne risquent-ils pas de chercher « ce que l’on essaie encore une fois de leur vendre » ? Enfin, une question, peut-être plus profonde encore mais pour laquelle je n’ai que d’autres questions et quelques réflexions mais certainement aucune réponse péremptoire, est : est-ce que venir chercher les publics dans leur quotidien est obligatoirement synonyme d’intérêt enfin naissant pour l’art ? Autrement dit, est-ce que c’est parce que l’art n’appartient pas à leur quotidien que les publics ne vont pas vers lui ? Est-ce que c’est en s’introduisant de force dans leur quotidien que ces publics vont enfin se rendre compte de l’importance de l’art et de l’intérêt qu’ils doivent en avoir ? Certes, mon propos est volontairement extrême mais, sans toutefois remettre en cause l’importance de projets allant vers les publics (et évidemment leur médiation), je m’interroge sur l’utilité (et donc l’impact) de cette forme de médiation, cette interprétation, peut-être un peu trop littérale, de la démocratie culturelle, du « tout culturel ». D’autres pistes ne sont-elles pas préférables à privilégier ?
-Reproduction et communication : l’art est-il le support ou le message ?
Je l’ai déjà dit un peu plus haut mais quel intérêt de proposer aux passants des reproductions dont les tailles des oeuvres qu’elles représentent sont dictées non par les proportions de l’oeuvre originale (ne parlons même pas des questions d’agrandissements ou de détail !) mais de la place que « consent » le panneau publicitaire ? Quel message donne cette « installation » d’œuvres d’art en lieu et place de publicité ?
Et que dire des oeuvres d’art se retrouvant accolées à des affiches « purement » publicitaires (comme celle ci-contre) ? De même, l’environnement dans lequel se retrouve l’oeuvre d’art est également un point à soulever (une oeuvre d’art a certes ses qualités intrinsèques voire même son aura selon certaines personnes mais avouez tout de même que voir un préraphaélite dans un métro sombre et aux odeurs parfois douteuses est perçu de manière tout à fait différente que s’il était présenté soit seul soit entouré d’autres oeuvres). Enfin, en dehors des questions de la reproduction et de la reproductibilité des oeuvres d’art, quelles réactions peut avoir un public face à une reproduction -souvent beaucoup plus grande que l’oeuvre originale-, dans un cadre quotidien ? Sans nécessairement avoir une idée exacte de la taille d’une oeuvre, le grand public a tout de même des notions de dimensions ; ainsi, en aucun cas un quidam [dont on exclue tous les amateurs, curieux et autres publics intéressés ou connaisseurs en matière de culture et d’art] ne pourrait se tromper en pensant qu’il a devant lui une reproduction des proportions exactes d’une oeuvre d’art. Ainsi donc, dès le premier regard, le passant voit une affiche, qui reproduit des traits qui ne sont ni ceux d’une affiche publicitaire ni ne peuvent être une oeuvre d’art alors … qu’est-ce qu’ils ont devant eux ? Et ont-ils seulement le temps de regarder plus longuement, comprendre, apprécier ou tout simplement observer ce qu’ils voient en prenant leur métro, en réussissant enfin à passer la 3ème vitesse de leur voiture et en évitant un chauffard ?! Dans un monde comme le nôtre, submergé, saturé même, d’images, d’appels, de sollicitations, comment interpréter et comprendre cette campagne ? Qu’apporte cet affichage d’œuvres durant seulement deux semaines surtout celles-ci, en plein été, souvent les plus vides de travailleurs (puisqu’ils sont en vacances, loin des villes où sont exposées les reproductions : Londres, Glasgow et Belfast) ? En résumé : sommes-nous face à une vaste campagne de communication où les reproductions d’œuvres sont le support de cette communication ou sont elles un message ? Dans quel cas : lequel ? Est-il compris ? La question est d’autant plus prégnante que la base line de Art Everywhere est « a very very big art show » …
Bref, cet article est certes plein d’interrogations mais une campagne qui semble si simple de prime abord (pas d’usage complexe de technologies ni de réseaux très complexes) pose en fait un grand nombre de questions. Cette campagne n’est pas la première de ce type, loin de là !, et il me semble que tout aussi intéressante qu’est cette campagne, les buts qu’elle poursuit (du moins officiellement) et des outils qu’elle utilise, je ne suis pas persuadée que cette méthode de démocratie culturelle est la plus pertinente. Néanmoins, des enseignements très positifs sont à en retirer et à impulser dans d’autres formes de campagnes de médiation.
Articles en relation :
– Retrouvez les différents articles, sites internet et compte Twitter relatifs à cette campagne Art Everywhere sur mon pearltree. Vous y trouverez également l’article de Culture & Communication.
– On retrouve, dans une certaine mesure, le même principe d’exposition dans la capitale française avec Les Parisiens, (par Kanako, avec le site internet mylittleparis.fr et la Mairie de Paris) : 3 semaines, en été, une artiste contemporaine. Site officiel ici et la page dédiée sur le site de la Mairie de Paris, là.
– Autre campagne qui pourrait être rapprochée de Art Everywhere, celle de MacDonald (cf. article de com’&stible, merci Gonzague !)
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.