Quelques repères :
– Signes de sens est une association créée en 2003, spécialisée dans une médiation englobant tous les publics, notamment les publics spécifiques (sourds, avec autisme, déficience intellectuelle, …)
– L’association propose des solutions qui permettent de renouveler le lien aux publics à partir de l’expérience des publics handicapés dans une démarche de conception universelle.
– Depuis 2010, Signes de sens développe des projets multimédia (utilisant notamment la tablette) comme on peut le voir au musée du quai Branly ou au Palais des Beaux-Arts de Lille. Elle a créé un studio de production (2Visu production) pour répondre à des commandes de musées ou d’institutions culturelles.
Depuis mars 2013, on peut découvrir au musée du quai Branly le dispositif « Muséo ». De quoi s’agit-il ?
« Muséo », connu au musée du quai Branly sous le nom « Les expert quai Branly », est une application sur iPad permettant aux enfants de 6-12 ans de découvrir quatre continents en s’amusant. À la fois visioguide, jeu vidéo et jeu de piste, l’application offre de nombreuses façons de s’intéresser à l’histoire et aux différentes cultures qui composent notre monde. À travers des jeux interactifs, questions et explications vidéo, les enfants découvrent un lieu et des œuvres en compagnie de Laurent. Le comédien guide les enfants à travers quatre parcours -Océanie, Afrique, Amériques et Asie- et revêt pour l’occasion le costume d’un ethnologue désordonné pour qui l’aide des enfants sera précieuse.
Le projet est issu d’une expérimentation menée en 2010 dans le cadre de la semaine de l’accessibilité au musée. Suite aux résultats très concluants de l’évaluation, le musée a décidé en 2012 d’acheter le concept pour le déployer sur ses collections permanentes.
L’accessibilité du dispositif repose sur une façon originale de concevoir et de scénariser les contenus. A partir des informations scientifiques que le musée souhaite transmettre, l’association structure l’information et clarifie les messages tout en associant français, langue des signes française (LSF), voix-off, sous-titrage et dessins animés. L’objectif est de gagner en cohérence et d’éviter toute surcharge cognitive pour les publics.
Le concept « Muséo » parvient ainsi à réunir différents types de publics (sourds et entendants) autour d’une même offre de médiation dans un contexte d’individualisation des pratiques culturelles (parcours enfants / parcours Adultes / parcours pour les personnes aveugles / parcours LSF pour les sourds..).
Comment en êtes-vous arrivés à vous spécialiser dans la médiation en direction des publics sourds et depuis peu autistes?
A l’origine, il y eu cette question : qu’est-ce que chacun peut apporter à l’autre ? Par intérêt et curiosité, Simon a appris la LSF ce qui lui a permis d’aborder autrement la médiation, notamment en structurant et illustrant mieux ses propos. En 2003, l’association « Signes de sens » nait. Nous étions alors avant la loi handicap de 2005. Les premières activités de l’association étaient des spectacles bilingues (français et LSF), des activités de médiation ainsi que l’édition, dès 2005 de livres-DVD. Dès le début, la dimension multimédia était donc présente dans les projets de Signes de sens et, quand en 2010 les premiers iPad sont arrivés pour le grand public, l’expérience engendrée par ces cinq années d’expérimentation ont permis de voir les nouveaux usages possibles et de les exploiter, pour les visio-guides par exemple. En cinq ans, il y a eu également une évolution naturelle dans les projets de l’association : les livres, la création d’un service de guides sourds, la mise en place de formation pour aider les musées à mieux accueillir les publics sourds… Comme Simon et Julie aiment le définir, ils fabriquent et font pour montrer par l’exemple comment on peut faire évoluer les pratiques et penser l’accessibilité autrement.
Quelles sont les difficultés face auxquelles vous vous êtes retrouvés (ou que vous rencontrez fréquemment) ?
Tout d’abord, la définition même du terme « accessibilité ». En effet, l’accessibilité physique, au sein de l’institution c’est quelque chose que les gens comprennent plutôt bien et se figurent. En revanche, l’accessibilité des contenus est quelque chose de beaucoup plus difficile à appréhender, surtout qu’il n’y a pas de normes! (contrairement au cadre bâti). Par ailleurs, les professionnels ont parfois une vision segmentée du handicap tout en le percevant plus comme un problème à résoudre que comme une opportunité d’innover. L’association passe ainsi beaucoup de temps à former les institutions à une vision positive et fédératrice du handicap pour en faire un véritable levier de développement de publics.
C’est du reste ce besoin d’expliquer et de sensibiliser également les futurs professionnels qui interroge énormément Signes de sens en ce moment ; pour l’instant, l’association travaille avec le master expographie-scénographie d’Arras. A ceci, on peut également ajouter les difficultés liées à la compréhension des outils numériques …
Autre problème, directement relié à l’innovation : la difficulté pour certains professionnels à se projeter dans le produit final et à dépasser leurs propres besoins au profit de ceux des publics. Si les clients directs de la structure sont les institutionnels, les clients finaux sont bien les publics. Ainsi, il faut s’enlever de la tête que la question de l’accessibilité est un problème uniquement graphique. Bien sûr cela compte mais pas autant que la conception de la médiation même. Cela demande alors de faire appel à des médiateurs et à des experts de ces champs là.
Troisième type de difficultés rencontrées, celles qui tournent autour du financement des actions. En effet, la production d’outils multimédia avec du contenu audiovisuel qualitatif a un coût. Ce coût peut être financé dans le cadre d’expérimentation mais dès qu’il s’agit de pérenniser une offre ou de la déployer sur d’autres musées, c’est un peu plus difficile. Les musées font souvent appel à des mécènes, ce qui rend les circuits de décision longs avec des montages financiers un peu complexes parfois si l’association amène une partie du financement et le musée une autre.
L’association recommande ainsi de dissocier un temps d’expérimentation financé par ses propres partenaires financiers. Ce qui permet à l’association d’aller au bout de ce qu’elle veut expérimenter dans une relation de partenariat avec le musée et non de commande. Et un temps de pérennisation avec les contraintes de la commande que le musée peut alors faire financer par ses propres mécènes ou ressources propres.
Pour « Museo » au quai Branly, Signes de sens est venu avec le projet clé en mains financé par ses partenaires (le ministère de la Culture et le programme Create joy de Vivendi. Le musée a ensuite pérennisé l’offre et commandé l’application à l’association grâce au soutien de la Fondation Orange et de la Fondation d’entreprise France Télévisions.
C’est seulement au prix de ces montages administratifs et en prenant la question du financement à l’envers que Signes de sens peut mener ses actions en gardant une certaine autonomie, notamment dans le mode opérationnel (tests du projet auprès des publics ; temps que l’on appelle dans d’autres secteurs le « calage » ou encore « beta-test »).
Cette notion d’expérimentation et de retour de la part des publics est très présente dans votre travail, pourquoi ?
Il n’y a pas d’innovation sans évaluation or, Signes de sens propose justement une nouvelle manière de considérer le handicap et les manières de s’adresser à ces publics. La notion d’évaluation est donc très importante. Pour évoluer, il faut expérimenter c’est-à-dire concevoir, créer, tester puis améliorer et re-soumettre aux publics. En ce sens, Signes de sens s’inspire beaucoup de la conception universelle, c’est-à-dire la conception d’un lieu ou d’un projet universellement accessible par les différents publics, sans nécessiter d’aménagement. Cette notion est née dans les années 1970 aux Etats-Unis (mais arrivée seulement dans les années 2000 dans les universités européennes) et nécessite de suivre certains protocoles définis au préalable.
Dans le cadre d’un appel à projets de la région Nord-Pas-de-Calais pour le programme chercheurs-citoyens, Signes de sens s’est associé aux universités de Lille III (laboratoires Gériico et URECA et de Valenciennes laboratoire DeVisu (anciennement DREAM) pour évaluer ses dispositifs et questionner la notion de conception et d’évaluation « universelle ».
Outre ce partenariat universitaire, l’expérimentation du concept « Muséo » s’est prolongée avec un second projet mené en partenariat avec le Palais des Beaux-Arts (PBA) de Lille pour évaluer une application sur des enfants autistes ou avec déficience intellectuelle. L’évaluation menée en décembre 2013 a validé la pertinence du dispositif et le musée le propose maintenant à tous ses visiteurs sous le nom de « Muséo+ PBA Lille ». L’application est également disponible sur l’Appstore pour une découverte des oeuvres du musée chez soi.
Quelques liens …
Publics et handicap :
– Loi du 11 février 2005, Legifrance,
– Culture et handicap, Ministère de la Culture et de la Communication, développement culturel,
– Musées et accessibilité : un enjeu de société. Comprendre pour mieux agir … en Basse-Normandie. Les constats, la démarche, les solutions, DRAC Basse-Normandie
Le projet « Muséo » :
– Extrait des Experts Quai Branly
– Accessibilité des musées : de la conception pour les enfants sourds au design for all, Simon Houriez, Julie Houriez, Komi Kounakou, Sylvie Leleu-Merviel, revue MEI, aux éditions l’Harmattan, 2014-03-10
– Vidéo sur projet recherche « Surcharge cognitive »
Signes de sens et 2Visu production :
– Reportage sur le service de guides sourds de Signes de sens
– Reportage sur l’approche pédagogique des livres-DVD
– Premier livre numérique accessible aux enfants autistes
– 2Visu production
– Page Facebook de 2Visu production
– Signes de sens dans l’émission de France 5 « L’œil et la main », 10.02.2014
Le projet « Muséo+ PBA Lille » :
– Article du magazine de la région Pas-de-Calais (février – mars 2014) autour de l’économie sociale avec Signes de sens (page 8)
– Reportage au Palais des Beaux-Arts de Lille
– Vidéo de présentation
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