Quelques repères :
On le sait la technologie peut être un formidable medium et support, au service d’un propos, de l’apprentissage et de la découverte d’histoire(s) et des territoires. Je vous propose ce mois-ci de découvrir le portrait de Nathalie Paquet, créatrice et gérante d’Urban Expé, qui propose parcours et expériences numériques au sein d’espaces.
Peux-tu nous expliquer ta manière de travailler et de concevoir les expériences numériques ludiques et immersives que tu proposes ?
Urban Expé est née de l’envie de faire « The Game » (1997 – Réalisé par David Fincher) en vrai et pour tous. Ce n’est certes pas encore pour aujourd’hui mais peut-être pour demain. L’idée depuis le début est de réunir les jeux de pistes, chasses aux trésors grand public, et toutes les formes les plus contemporaines de jeu (ARG, expériences transmédia), pour des expériences scénarisées les plus accessibles possibles. Urban Expé met l’accent sur le scénario pour que le public vive l’histoire qui lui est racontée.
Si on schématise, toute expérience se construit au travers de deux étapes :
Tout d’abord, il s’agit d’appréhender le territoire et toutes ses spécificités. Le territoire n’est pas une page blanche : il a une histoire, un contexte, des fonctions, des temporalités, etc. Là-dessus, s’ajoute la demande « client » qui peut être de plusieurs natures : mettre en avant le patrimoine, faire venir un public éloigné, créer un moment festif, communiquer sur un événement, etc.
Dans un deuxième temps, il faut « jouer » avec toutes ces données pour proposer un univers cohérent qui s’appuie sur un scenario et des technologies pensées pour une expérience utilisateur fluide et immersive. Le scénario est construit en résonance avec le territoire, ils dialoguent, se répondent.
Les technologies sont au service de l’expérience, révèlent le territoire et permettent de vivre l’histoire. Le tout doit paraître naturel et allant de soi.
Quelles sont les limites face auxquelles tu te retrouves confrontée ?
La principale limite réside dans l’intégration de technologies dans l’espace urbain. L’espace n’est pas encore pensé, ou alors très peu pour y ajouter des éléments. Je dis volontairement « ajouter » et « éléments ». Ajouter parce que je ne pense pas qu’il faille intégrer à tout prix des technologies dans l’espace urbain de manière permanente, ou alors c’est encore trop tôt. Il nous faut expérimenter, tester des services numériques, voir leur pouvoir de résilience.
« Éléments » parce que ce n’est pas obligatoirement « numérique ». Cela peut être électronique, plastique, végétal, sonore, etc. Lorsqu’il sera possible d’ajouter un élément et que celui-ci s’intègrera de manière « naturelle » dans l’espace alors il sera possible de faire une quantité d’expériences urbaines immersives.
L’espace urbain de demain est pour moi agile, modulaire, le plus changeant possible selon les heures, les jours, les saisons et les années, selon qui est présent, le nombre de personnes, etc. Le numérique nous ouvre un potentiel de réagencement sur-mesure. Demain, on le recherchera partout. Et cela commence déjà.
Pour en revenir aux limites, l’intégration du numérique dans la ville est souvent pensée par excroissance donc cela implique de sécuriser, de faire face aux intempéries et aux dégradations. Et tout cela coûte cher pour l’instant. Aussi, cela correspond à la deuxième limite : le coût. Les projets que je réalise sont pour l’instant assez bridés par les coûts.
Enfin, une limite qui n’en est une que si on la nomme ainsi est la pleine possibilité d’écrire des histoires spatialisées. Nous n’en sommes qu’au début d’une nouvelle manière d’écrire sur et dans l’espace. Attention, loin de moi l’idée que cela n’a jamais existé : il n’y a qu’a s’intéresser à la religion aborigène et au Dreamtime, le Temps du rêve pour y découvrir des récits cartographiques par exemple.
Je m’intéresse à ce qui fait la spécificité des histoires spatialisées d’aujourd’hui. Je parle de narration transmédia spatialisée pour lui donner un nom mais demain ce sera peut être autre chose.
Le territoire est un « objet transmédia ». Chaque monument, chaque élément de la ville a son propre contenu, son histoire, son emplacement, ses relations aux autres. Il peut être vu indépendamment des autres, mais la richesse vient de l’exploration des multiples éléments dont l’agencement a été pensé au fil du temps.
La narration transmédia spatialisée, prend acte, joue avec les éléments et se « découvre » sur plusieurs supports qu’ils soient numériques ou non. Le territoire devient objet et support de narration. Le scénario se constitue à partir d’îlots narratifs et de trajectoires narratives. Et dans l’absolu la narration est combinatoire, elle s’agence et se ré-agence en fonction de l’heure, du jour, des envies de chacun. Et là-dessus, il n’existe pas d’outil idéal pour l’émergence de ces histoires qui prennent en compte les quatre dimensions.
Quels sont les conseils que tu t’appliques dans ton travail ?
S’il n’y a qu’un conseil ou plutôt manière d’appréhender l’espace urbain c’est de le penser de manière plurielle et multiforme. Il faut expérimenter, tester, et être le plus plastique possible. Et enfin utiliser tout ce qui existe et ne pas penser le numérique comme la solution à tout.
Urban Expé a été pensé de manière agile afin de s’adapter, se réadapter, se repenser après chaque projet. Demain Urban Expé sera sûrement ailleurs… #metamorphose.
Quelques liens …
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Urban Expe :
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