Suite de notre série de portraits « Nouvelles pratiques et Culture, un petit tour du côté des professionnels » avec Christophe Courtin, Responsable du service des projets numériques au musée d’histoire de Nantes
Quelques repères :
– Le Musée d’histoire de Nantes a ouvert ses portes le 9 février 2007 au sein du château des Ducs de Bretagne. L’établissement est géré par une société de droit privé, la société publique locale La Voyage à Nantes mais se situe dans un bâtiment classé, propriété de la ville de Nantes.
– Le musée est particulièrement réputé –en dehors de son bâtiment et de ses collections– pour son investissement dans l’accessibilité –tant physique qu’intellectuelle– de ses collections. A cette fin, un certain nombre de dispositifs de médiation et d’aménagement à l’usage des handicapés moteurs et visuels se mêlent aux éléments multimédia.
– Il y a maintenant plus de quatre ans, le service dirigé par Christophe Courtin a lancé un projet en Recherche et Développement (R&D) concentré autour de la maquette de collection présentant le port de Nantes en 1900. Mêlant recherches scientifiques, médiatiques et formelles, Christophe Courtin nous en dit plus sur ce programme :
Comment est né ce projet de maquette augmentée ?
Ce projet est né d’un besoin : celui de cette maquette, objet très riche mais pas suffisamment lisible pour les publics. Certes, quatre écrans au-dessus montrent le port en 1920, 1949, 2005 et aujourd’hui grâce à des petits films mais ce n’est pas suffisant, il faut laisser la possibilité d’en raconter plus. Le projet est donc d’augmenter la maquette de contenus numériques (stockés sur internet).
Si ce projet a démarré il y a plus de quatre ans c’est parce que ces questions sont au cœur de l’action du musée depuis le début mais également parce qu’il fallait donner du temps aux services pour réfléchir à des solutions techniques et scénaristiques satisfaisantes. En effet, les premières pistes partaient d’abord vers une solution avec des caméras dirigées par joysticks ou avec un dispositif multi touch mais le bon scénario n’était pas encore trouvé … alors comment imaginer la rédaction d’un cahier des charges et passer commande ? La solution retenue est donc de mener le projet en interne et par un partenariat avec le Centre François Viète (centre d’épistémologie, d’histoire des sciences et des techniques de l’Université de Nantes) et laboratoire de l’Institut de Recherche en Communication et en Cybernétique de Nantes (IRCCyN ; de l’École Centrale de Nantes ; pour la partie numérique et informatique).
En quoi consiste le projet ?
Nantes 1900 s’attache donc à un objet physique, la maquette, et est enrichi de contenus numériques. Néanmoins, quelques idées fortes sous-tendent ce projet et expliquent donc sa composition. En effet, le numérique ne doit pas être un gadget ni supplanter la médiation humaine. Il y a une très forte nécessité de sortir des applications fermées qui ne permettent ni une modification aisée à tout moment ni de s’approprier l’outil. De plus ces applications fermées empêchent toute évolutivité et empêche son enrichissement –à moins d’en avoir les moyens !– or, une application qui ne dure que trois ans n’est pas viable que ce soit pour les finances ou pour le travail de R&D mené par les équipes du musée. C’est pourquoi le projet mêle recherche scientifique, recherche technique et scénario d’usages. La solution trouvée est alors de différencier trois couches dans ce projet :
– la base de données qui sera accessible sur internet et qui permettra des modifications, ajouts et enrichissements à tout moment et une flexibilité certaine. On y trouvera alors les documents iconographiques ainsi que textuels.
– la dalle tactile c’est-à-dire les écrans qui seront mis à disposition des publics et des médiateurs face à la maquette. En effet, cette partie –qui n’est qu’une surcouche, un élément de visualisation de la base de données– ne doit pas prendre le pas sur la maquette mais doit bien être un outil de compréhension à l’attention des publics et un véritable outil de travail pour les guides et médiateurs qui pourront ainsi préparer leurs visites chrono- et/ou thématiques et, par contact RFID, « charger » leurs présentations comme support de visite sur ces écrans.
– La vidéo-projection permet d’illuminer la zone sélectionnée sur la maquette physique et donc de permettre une meilleure lisibilité de l’information ciblée qui sera délivrée. Encore une fois, l’objectif est de lier le physique et l’écran.
Quelles sont les différentes étapes de ce projet ?
La première année a surtout été utilisée pour poser les grands principes du projet mais également la question de l’organisation, très complexe puisqu’il était décidé dès le début de travailler avec des étudiants, c’est-à-dire des personnes formées mais en apprentissage donc présents seulement un an à chaque fois. Un travail de numérisation 3D et de recherches historiques sur la maquette et le quartier nantais a ensuite été mené durant trois ans avec le laboratoire IRCCyN, le centre F. Viète et leurs étudiants. Ce qui est du reste intéressant avec cette démarche c’est que ces étudiants de secteurs très différents (ingénieurs et historiens), qui n’ont pas l’habitude de se croiser y ont appris à se connaître, à se comprendre et à ouvrir les possibilités ; la collaboration et la transversalité sont donc au cœur de ce projet. Du point de vue pratique, il faut noter que la marquette mesure 9 mètres par 1,80 mètres, autant dire intransportable ; les mesures et la numérisation ont donc été faites in situ.
Dans un deuxième temps, le musée a recruté Dev-o-cité qui a pour mission l’assemblage des briques logicielles de la numérisation qui avait été effectuée par les étudiants.
Afin de permettre de valider les hypothèses du projet et vérifier les scenarii, une autre maquette plus petite –et plus transportable !– a également fait l’objet du même traitement que la grande maquette présente dans les salles du château des Ducs de Bretagne. Avec cette plus petite maquette –également de collection– Christophe Courtin et Benjamin Hervy (doctorant en CIFRE au musée) testent auprès de différents publics à l’occasion de conférences et salons les réactions de ceux-là et les différents problèmes techniques qui apparaissent afin d’améliorer le dispositif final.
Quelles ont été les réactions en interne et des décisionnaires territoriaux face à ce projet ?
Si Christophe Courtin peut mener ce projet au sein du musée c’est aussi grâce à sa spécificité structurelle. En effet, si le musée est géré par la société Le Voyage à Nantes, les collections sont financées par la ville de Nantes à travers les Plans Pluriannuels d’Investissements (PPI). Grâce à cette spécificité, le projet de R&D a pu y être inscrit et ainsi permettre son financement sur le long terme.
Cela s’explique également par la certaine indépendance dans leur travail des responsables du musée. En effet, que ce soit Christophe Courtin ou l’équipe scientifique (notamment lors de la création du musée d’histoire de Nantes) face au Voyage à Nantes ou aux services de la mairie de Nantes, à chaque fois, tous ont pu avoir les coudées plutôt libres pour mener leurs travaux et projets. Cette spécificité a du reste pu avoir un impact certain et assez inédit parmi les musées de France : un organigramme horizontal et non vertical. Ainsi, tous les services ont la même transversalité menant à la médiation et la valorisation des collections ; le dialogue y est la règle de travail et il y a souvent un « médiateur référent » pour chaque projet important (que ce soit par sa taille ou son temps de réalisation). Evidemment, cela a pu être possible grâce à la volonté de l’équipe de conservateurs à l’origine du projet scientifique et culturel du musée d’histoire de Nantes et donc d’une volonté forte des décisionnaires mais, si cela étonne, ça marche. Faire des contraintes des atouts et mener autant que possible un travail collaboratif ; voici les principes du musée mais également de ce projet Nantes 1900.
Quelles suites pour le projet Nantes 1900 ?
Le projet actuel a encore besoin d’être précisé quant à certains éléments techniques pour permettre une utilisation plus homogène et facilitée. Dans la mesure où la base de données de la maquette sera accessible en ligne, cela laissera la possibilité aux publics de proposer également des contenus. (du type photographies anciennes et cartes postales). Ce type de participation des publics, la collecte, n’est pas nouveau pour le musée qui a procédé de la même démarche pour l’exposition en cours En guerres, 1914-1918 / 1939-1945.
Enfin, ce travail de R&D mené pour la maquette du port de Nantes pourra également servir plus tard pour imaginer d’autres utilisations et applications sur les collections soit sur d’autres plans et reliefs, soit en faisant appel à la même base de données pour une application de géolocalisation dans le musée.
Quelques liens …
– Site du musée d’histoire de Nantes (Château des Ducs de Bretagne)
– Page Facebook du musée
– Compte Twitter du musée
– Site du dispositif Nantes 1900
– Explications sur la numérisation de la maquette, Musée d’histoire de Nantes
– Présentation de la maquette, site du musée d’histoire de Nantes
– Site de la Société Le Voyage à Nantes
– Photos du château et du musée par J-P. Dalbera
– « Nantes 1900, un dispositif de valorisation d’une maquette du port de Nantes réalisée pour l’exposition universelle de 1900. », à l’occasion du salon SIMESITEM
– « Le château des ducs de Bretagne », article du LEDEN, programme de recherche et de création Leden du laboratoire Paragraphe de l’université Paris 8, dont l’objet est de développer et valoriser des innovations réalisées notamment dans le domaine de la numérisation du patrimoine culturel et scientifique.
– « L’innovation numérique au Château de Nantes », article de Knowtex, Réseau pour les explorateurs des communautés créatives et innovantes
– « Au château, le multimédia n’est pas un gadget », article de Nantes, Ma ville
– « Mobilisation générale » pour les contenus audioguides du Musée d’Histoire de Nantes », article du CLIC
– « Les actes vidéos des 3e Rencontres Nationales Culture & Innovation(s) », article de l’OCIM
– Petite présentation de la future participation du musée d’histoire de Nantes à Museomix, édition 2013
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