Nouvelle semaine, nouveau portrait. Continuons notre exploration des professionnels de la Culture avec, cette fois-ci, non pas une créatrice d’émulations, ni un défricheur engagé, ou encore une faiseuse de musée sans musée, une exploratrice des réseaux, un chercheur de publics ou même une révélatrice de cohésion interne ! Non, aujourd’hui nous recevons Elisa Dhervillers qui travaill[ait] chez Novius, entreprise proposant des solutions informatiques. Car oui, parmi les professionnels de la Culture beaucoup travaillent sur les outils numériques, sites internet et autres bases de données. C’est un pan très peu présent (ou représenté) et pourtant ils agissent aussi au quotidien pour la Culture ! Voyons un peu …
Quelques repères :
– Novius est une entreprise basée à Lyon et Paris proposant des solutions informatiques, techniques et ergonomiques à différents clients, principalement du secteur culturel. Elisa Dhervillers [était alors] la responsable de l’agence parisienne de Novius.
– Elisa continue dans son champ d’expertise mais s’est lancé à son propre compte de « conception digitale » elisa-dhervillers.fr
Elisa, qui es-tu ? Que fais-tu ?
Elisa Dhervillers travaille chez Novius en tant que responsable de l’agence parisienne Novius. Novius est une entreprise spécialisée dans le conseil, la réalisation et l’ingénierie informatique et web. De manière concrète, l’agence conseille et accompagne ses clients en stratégie web, gestion de projet, réalise des sites internet (mais aussi extranet et intranet), les mailings, les applications pour terminaux mobiles et propose également des solutions du type réseaux sociaux, webzine et QR Code.
Ce qui est intéressant avec le parcours, et donc l’approche d’Elisa de son travail, éminemment numérique, c’est qu’elle vient des lettres modernes et du monde de l’édition (spécialement de la mode et du luxe). De cette période de sa vie elle garde le souci du détail, du bel objet et de la qualité du rendu.
Lors de son arrivée chez Novius en 2008, l’entreprise avait la majorité de son activité tournée vers les solutions « purement » informatiques : bases de données, back office, intranet, recherches et développement en informatique. Depuis quelques années, Novius a intégré une nouvelle dimension à son savoir-faire très technique : l’ergonomie, le souci du rendu esthétique et l’importance de l’expérience utilisateur.
Quelles sont les évolutions que tu as pu observer ?
Pour Elisa, ce souci accru de ce que l’utilisateur voit est concomitant des évolutions techniques. Avant, le web n’offrait pas une qualité de rendu aussi importante que l’impression papier pouvait le faire. Mais maintenant presque tout est possible : les feuilles de styles sont aussi adaptables que pratiques, les typographiques sont à présent presque aussi nombreuses en numériques qu’en imprimé et enfin les temps de chargement sont extrêmement rapides ! Les qualités des CSS permettent donc de faire –presque– tout. La question qui se pose à présent n’est donc plus « est-ce que ça c’est possible ? » mais bien « de quoi j’ai besoin ? ».
L’exemple des festivals est assez édifiant à ce sujet : contrairement aux structures culturelles, les festivals n’ont peu ou prou de visiteurs après le festival-même. C’est un événement ponctuel, bien défini dans ses formes et ses propositions culturelles. Ainsi, la communication monte en puissance trois à quatre mois avant les dates de l’événement puis tout s’arrête. Par ailleurs, les sites internet des festivals sont principalement informatifs. Cet état peut être expliqué par le fait que les festivals ont de vraies difficultés d’équilibres financiers. A titre d’exemple, pensons au festival des Trans Musicales de Rennes qui, pour la première fois de ses trente-cinq ans d’existence a réussi à dégager un léger bénéfice ! Cependant, de vraies possibilités existent et les contenus peuvent avoir pleinement leur place dans leurs sites.
De manière générale, Elisa remarque qu’il y a peu de choses intéressantes qui sont proposées sur internet pour l’après-visite. Si cela dépend énormément de la politique de l’établissement, cela est également une question d’engagement de l’institution et de ses services sur l’espace web.
Avec Novius, vous avez parmi vos clients un grand nombre d’institutions culturelles, face à quelles problématiques vous êtes-vous retrouvé ?
Quand Elisa rencontre ses clients pour la première fois, c’est souvent pour la réalisation d’un (nouveau) site internet. Là, deux situations se présentent : soit il s’agit de refondre le site pour (re)partir de zéro (situation plutôt plus aisée pour le travail de Novius) soit pour créer un site dans la continuité du précédent. Cela est plus compliqué pour les équipes d’informaticiens et concepteurs d’interface car il faut alors suivre ou réadapter les spécifications (appelée communément « SPEC ») au nouvel outil connecté que sera le futur site. Une question sous-tend alors leurs travaux durant toute la réalisation de la commande : quelle marge de manœuvre avons-nous quant aux réflexions et orientations générales ?
Par ailleurs, il y a également toute la dimension politique, des axes de travail et objectifs/priorités de l’établissement à transposer dans le nouveau site. Elisa remarque qu’il y a quelques temps, c’était la création d’un (nouveau) site internet qui engendrait les réflexions au sein des équipes dirigeantes et scientifiques. A présent, les choses commencent à s’inverser et, de ce fait, cela permet de gagner beaucoup de temps ainsi que d’aller tout de suite dans le fond du sujet et faire du « cousu-main » pour l’établissement. Cela est d’autant plus important que cela permet de palier une constante qu’observe Elisa : la difficulté à faire comprendre (ou accepter) que l’on ne peut pas tout mettre dans le site internet. On ne doit y mettre que ce qui est de plus pertinent et au service du propos de l’établissement afin de réussir à transposer l’identité de celui-ci dans son site. Cela peut poser des difficultés selon la nature de l’établissement : comment rendre compte de
l’activité du CENTQUATRE qui est si polymorphe et diverse ? Comment créer le lieu entre les différentes programmations de la Cinémathèque (de Pialat à Burton) de manière intelligible pour un internaute ? Tout n’est que question de placement du « curseur » selon Elisa : est-ce le contenu qui tient le lieu ou le lieu qui se tient tout seul ? Qui/quoi crédibilise le contenu proposé ? Les notions de prescripteur et d’image « de marque » de la structure prennent évidemment ici toutes leurs dimensions.
De manière générale, Elisa s’appuie sur quelques repères qui sont ses bases de travail. Tout d’abord, on ne crée pas un site pour se faire plaisir ou à la structure mais au service de l’internaute. Ce « mantra » permet de déjà régler un certain nombre d’interrogations ou de zones d’ombres. En outre, Elisa met l’expérience utilisateur au cœur de ses fils d’Ariane que sont les standards techniques et l’ergonomie. Toute la délicatesse du travail d’Elisa consiste enfin à trouver la juste mesure entre les attentes de l’institution et les promesses numériques qui sont à tenir.
Que conseilles-tu aux professionnels engagés dans la réflexion d’une rénovation ou évolutions web ?
Tout d’abord, Elisa insiste pour « sortir des idées reçues sur les pratiques des différents utilisateurs ». Cela permettra alors de donner beaucoup plus de liberté au projet. Par ailleurs, s’il faut toujours rester concentrer sur l’utilisateur et ses usages, il y a justement la question du trop peu d’attention qui est à prendre en compte. En effet, on a pris l’habitude d’accéder vite à l’information quand on sait ce que l’on cherche –quand on ne trouve pas immédiatement ce que l’on cherche, l’effet « zapping » est assez funeste pour la fréquentation du site. Fort de cette connaissance de l’internaute pour ne chercher que ce qui l’intéresse, le véritable enjeu n’est plus uniquement de permettre l’accès à la dite information mais de garder le plus longtemps possible l’internaute, notamment par le ressort du mécanisme de la sérendipité (ou « heureux hasard ») provoquant alors de l’étonnement et permettant ainsi de garder un peu plus longtemps l’internaute, absolument plus captif. Evidemment, une bonne ergonomie permet cet accès aux contenus par sérendipité mais également les bases de données et le croisement de leurs informations.
Enfin, Elisa fait remarquer que la majorité des internautes ne lit que très peu sur un écran d’ordinateur, à peine quelques mots. Même s’il faut amener l’internaute à lire quelques éléments –tout en gardant à l’esprit que l’internaute n’est plus captif–, il faut toujours suivre ces maitres-mots que sont rapidité et efficacité du propos et de son agencement sur le site. Pour ceci, on peut s’aider de la qualité et de la beauté des éléments même s’il est certain que les comportements des publics sur le web sont très difficiles à connaître. A l’heure actuelle, on peut un peu comprendre les comportements grâce aux réseaux sociaux mais les retours-mêmes sont compliqués à avoir et mesurer –hormis, in fine et que pour une partie de publics en ligne, la billetterie ! Autre moyen cependant : des sites très poussés techniquement avec un système de tracking très puissant … ce qui n’est pas exactement dans les moyens des secteurs culturels actuellement.
Quelques liens …
– Site de Novius
– elisa-dhervillers.fr
– Retrouvez Elisa Dhervillers sur les réseaux :
– Société qui utilise dans les champs culturels le QR Code : Urban Expé, « propose des expériences numériques interactives transmedia sur mesure dans le domaine de la culture, du tourisme, du loisir, de l’éducation, de l’édition et de la communication. » (retrouvez l’interview de sa fondatrice ici)
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