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AFP: Musées de province: il faut favoriser la circulation des oeuvres affirme Filippetti
Voici une posture intéressante de la part de notre nouvelle ministre de la Culture : « Il y aura un effort en faveur des musées de province en matière de circulation des oeuvres, pas seulement d’investissements » , « Il faut que les collections tournent et irriguent toutes les régions », »Les collections sont un patrimoine de tous les Français »
Ce qui est intéressant, à mon sens, c’est d’abord qu’il y a une envie d’investir dans les musées de province. Certes, la nature des moyens qui seront mis en oeuvre -hormis l’apparition d’oeuvres- n’est pas précisée mais c’est déjà une nouvelle plutôt positive à plus d’un sens. Tout d’abord parce que l’on peut espérer que le travail qui est exécuté dans les différents musées de province sera valorisé et permettra à ces derniers de trouver un nouveau souffle … A voir maintenant si seuls les institutions estampillées RMN et/ou « musées nationaux » seront concernés ou également toutes les structures territoriales …
Ensuite, la circulation d’oeuvres nationales (celles achetées par l’Etat pour l’Etat (et non pour une institution) ou dont l’Etat est propriétaire depuis longtemps) me semble, en théorie, très positive puisqu’en effet, on assiste parfois à des réactions de la part de certaines institutions proches du jeu de la Bonne pioche « j’ai ça ! je veux ça ! ». Evidemment, il est normal (et naturel) de s’enorgueillir de la qualité de ses collections mais en n’oubliant pas que le musée n’en est que le dépositaire … En revanche, ce qui me pose plus question ce sont les conditions dans lesquelles seront transportées les collections. En effet, le ministre ne parle pas d’oeuvres mais bien de « collections » ! Peut-être est-ce par abus de langage et qu’il ne s’agit que d’envoyer dans différentes institutions culturelles un nombre certain d’oeuvres comme à l’époque des larges diffusions auprès des grands musées de province après les guerres napoléoniennes. Car à cette époque également il y avait ce souci de diffusion auprès du plus grand nombre et d’accès aux « grandes oeuvres ».
Selon la dépêche de l’AFP : « tout en reconnaissant que l’Ile-de-France possédait la majorité des oeuvres du patrimoine national, il faut un plus grand équilibrage ». Cette phrase, si je comprends son idée de démocratisation culturelle, me gène. En effet, cela rejoint un peu mes réflexion de mon article sur les restitutions : il y a des raisons historiques pour lesquelles l’Île-de-France possède la grand majorité d’oeuvres d’art. D’abord parce qu’il y avait une très forte concentration de propriétés royales en Île-de-France ainsi que de grandes demeures de riches et importantes familles. N’oublions pas tout de même d’où proviennent les fonds de nos collections nationales ! Ensuite, il se trouve qu’en Île-de-France, il y a Paris et qu’il est vraiment difficile de trouver un département plus concentré en institutions culturelles que la capitale …! Si je comprends donc le déséquilibre important que constitue cette hypertrophie muséale (ou du moins d’oeuvres d’art) sur le plan national, il me semble qu’il faut agir non de manière systématique mais intelligente.
En effet, parmi les risques d’une mauvaise « distribution » d’oeuvres à travers la France, deux me paraissent importants à soulever :
-la question de la contextualisation et de l’unité de l’oeuvre dans son environnement. Certaines collections ont pu être maintenues, malgré les aléas de l’histoire, dans le lieu pour lequel elles ont été constituées. C’est le cas par exemple à Fontainebleau où vous trouvez des oeuvres qui ont été commanditées pour le château. Les voir in situ, entourées des autres oeuvres apporte vraiment une compréhension supplémentaire (par exemple, voir une pièce de tenture entourée du reste du cycle ou voir le décor d’une pièce en son entier permet généralement de mieux comprendre l’importance ou le motif d’un mobilier).
-le mouvement des oeuvres : risques de frustration et/ou d’endommagement. Vous avez très certainement dû vivre au moins une fois la frustration d’une oeuvre, que vous savez conservée dans l’institution que vous venez visiter (presque spécialement pour elle), qui se trouve en fait dans un autre lieu pour cause de prêt ou d’exposition itinérante … Avec le grand nombre d’oeuvres prêtées pour les expositions « clés en main » dont se font la spécialité certaines institutions culturelles, le phénomène a pu souvent être observé… La question de la conservation de l’objet également est prégnante. En effet, j’imagine que certaines oeuvres, trop fragiles (comme l’affirmait Vivant Denon pour les Noces de Cana pour que les Alliés, à la chute du Premier Empire, n’emportent pas cette oeuvre loin du Musée du Louvre) ou trop importantes (comme la Joconde) ne seront pas transportées mais pour les autres ? Les transports et manipulations malgré tout le professionnalisme et les précautions prises sont néfastes pour les oeuvres et peuvent entraîner un vieillissement accéléré de celles-ci.
Enfin : qui va payer ? Parce que le transport d’oeuvre mobilise un ou deux régisseur(s), les transporteurs mais également les assurances, … sans compter tout le travail en amont et en aval qui devra être exécuté par les deux institutions émettrice et réceptrice … cela demandera alors des régisseurs supplémentaires (bonne nouvelle pour les nombreux qui ne trouvent de travail !) mais qui payera tous ces professionnels en action ? On ne pourra pas faire appel éternellement que aux stagiaires ! … A moins que l’on parte sur une solution de privatisation du transport voire même d’entreprise spécialisée dans le transport et la présentation des oeuvres d’un musée à l’autre … ?
Je trouve que cette annonce du ministre de la Culture est vraiment intéressante et peut être une réponse pratique et rapidement applicable pour diffuser auprès du plus grand nombre les oeuvres d’art. De plus, si le ministère implique également les institutions culturelles territoriales, cela permettrait d’encadrer cette diffusion par un apport de connaissance et de compréhension auprès des publics ainsi qu’une valorisation des professionnels de la Culture. Néanmoins, si l’idée reste séduisante, il faudra restés attentifs aux conditions dans lesquelles ce « rééquilibrage » se fera.