Quelques repères :
C’est en étant curieux et attentif de tout que l’on importe de nouvelles idées et un souffle frais à son propre sujet. Ce mois-ci, je vous propose de lire non pas l’interview d’un professionnel qui ne travaille que dans le monde de la culture (oui, il a besoin de vivre !) mais qui y a déjà fait quelques incursions : Fabien Grenet, fondateur de Haikusages et entrepreneur dans le secteur de l’innovation sociale et entreprenariale.
Peux-tu nous définir ce que signifie que travailler dans le secteur de l’innovation sociale ?
Je ne sais pas si l’on peut parler de « secteur » de l’innovation sociale, ni même si l’on peut dire « je travaille dans l’innovation sociale » mais en revanche ce dont je suis persuadé c’est que chacun d’entre nous peut dans le cadre de ses projets essayer d’avoir un impact social ou sociétal positif.
Travailler dans le secteur de l’innovation sociale, cela revient donc pour moi à chercher à apporter de nouvelles réponses à des besoins sociaux / sociétaux mal satisfaits ou non satisfaits en exploitant à fond la créativité, les progrès technologiques, les évolutions culturelles, les logiques communautaires, l’expérimentation, les enseignements du design thinking ou du design de service…
C’est aussi garder à l’esprit la notion de pérennité du progrès social / sociétal apporté et de passage à l’échelle (capacité du projet à toucher le plus grand nombre de personne sans se transformer en usine à gaz) et l’importance de travailler dès le début du projet avec les acteurs concernés (partenaires, bénéficiaires, utilisateurs finaux…)
Par exemple, cela peut passer par l’utilisation du CrowdFunding pour financer des projets portés par des étudiants (Eduklab.com, projet que j’accompagne) ou encore utiliser le web pour faciliter la rencontre de personnes vivant à proximité et l’émergence de projets locaux (Peuplade.fr, projet que j’ai accompagné).
Quelles sont les limites face auxquelles tu te retrouves souvent ?
La résistance au changement et le syndrome « ça ne marchera jamais ». Ce n’est pas spécifique à l’innovation sociale mais ce sont deux aspects qui freinent en général les projets.
Le fait de devoir faire « changer » un ensemble d’acteurs par rapport à leurs pratiques, leurs mentalités en remettant parfois en cause les fondamentaux de leurs métiers demande beaucoup de travail d’accompagnement, d’acculturation, de formation, … et en général nécessite de « prouver par l’exemple » que le changement est utile et pertinent.
Le syndrome du « ça ne marchera jamais » est assez français j’ai l’impression et lié à la peur de l’échec. En général en travaillant par petits pas il est assez simple de dépasser cette difficulté. Et ça tombe bien car c’est précisément un des aspects fondamentaux de l’innovation sociale : expérimenter au plus près des acteurs et s’adapter en permanence.
Après, il reste toujours la question de la mobilisation d’une masse critique de « piliers » autour du projet, des acteurs qui sont convaincus de son intérêt, de sa pertinence, … sans qui, il est impossible de lancer quoique ce soit. Mais c’est un peu le lot de tous les projets donc je ne le vois pas comme une difficulté en soit.
Quelles sont, d’après toi, les clés à appliquer pour insuffler dans le secteur culturel ces questions d’innovation, de collaboratif et d’esprit de start-up ?
Ouch, grosse question.
Je ne connais pas assez bien ce secteur pour avoir un avis éclairé mais de manière générale un point fondamental est le lâché prise.
Pour innover, il faut accepter de se poser des questions sans en permanence les mettre en regard de l’existant et du changement qui en découlerait. Il est en effet très difficile voire impossible d’apporter une réponse innovante à une question qui ne remette pas en cause certains pans de la situation actuelle.
Par exemple, dans le monde des Musées l’innovation numérique force à changer la manière de regarder l’œuvre et le sacro-saint droit d’auteur. Mettre à disposition du grand public des versions numériques haute définition des oeuvres proposées dans un musée semble ainsi au premier abord une mauvaise idée (les visiteurs n’auront plus besoin de venir, les ventes de reproductions diminueront car les gens les imprimeront chez eux, …). Hors pourtant c’est ce qu’a fait le Rijksmuseum avec son RijksStudio qui permet à n’importe qui de se faire un poster taille réelle avec La Laitière, un sticker ou encore une décoration pour sa voiture ou son smartphone.. Au final c’est une bonne idée car ça permet de promouvoir la culture et de toucher le plus grand nombre de personnes qui ensuite seront bien plus susceptibles de venir « en vrai » au musée car leur curiosité aura été alimentée.
Quelque part, pour les musées c’est passer du statut de dépositaire de la culture à diffuseur de culture au sens large … un changement de fond de leur métier.
A quoi rêves-tu ?
À un monde dans lequel n’importe qui pourrait expérimenter une idée qu’il a, sans avoir à se poser au préalable des tonnes de questions qui n’ont rien à voir avec son idée (ex : comment vais-je le financer si je dois arrêter de travailler pour y consacrer du temps ? Et si ça ne marche pas comment vais je pouvoir rebondir ?…).
Sur ce point, l’innovation sociale qui me tient le plus à coeur est le revenu de base dont le principe est de décorréler en partie travail et revenu afin de permettre à tous d’avoir une base de revenu à utiliser comme bon leur semble tout en pouvant bien sur travailler pour améliorer leur conditions de vie.
Quelques liens :
Fabien Grenet sur les réseaux :
Haikusages :
Social Innovation:
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