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Les 15-25 ans et la culture, au-delà des clichés, Le Figaro
Article très intéressant et remettant un peu ce que beaucoup de « jeunes adultes » se tuent à dire mais qui ont du mal à se faire entendre par la majorité de leurs aînés. L’analyse n’a pas grand chose d’inédit mais les différents propos tenus par l’article permettent de mettre côte à côte des intuitions ou des faits (vérifiés par enquêtes) que l’on a déjà pu lire de ci-de là et donc donner une dimension intéressante à tout ceci.
On appréciera au passage l’illustration de l’article (ci-dessus) qui représente tant la manière de concevoir sa visite que l’utilisation quotidienne des technologies et leurs détournement.
« ENQUÊTE – Le Forum d’Avignon se penche sur les générations nées avec le numérique. Adeptes du zapping, elles se révèlent aussi très créatives.
Et si vous résumiez Le Rouge et le Noir de Stendhal en moins de 140 signes? Un éditeur australien, Text Publishing, a proposé cet exercice sur le réseau social Twitter. Résultat: «Depuis qu’ils ont eu un plan, Mme de Renal (sic) casse tous les coups de Julien Sorel. Énervé, il la fume et finit sur l’échafaud. Sale histoire.» Pauvre Henri Beyle! Les 15-25 ans, qui tweetent plus vite que leur ombre, ne respecteraient donc plus rien? Leur penchant pour la dérision – le LOL pour laughing out loud, dans leur jargon – ne plaide pas pour ces générations Y – prononcer «why», c’est plus chic – et Z. Nées avec une souris dans la main et un smartphone dans l’autre, elles succèdent à la génération X des années 1960-1979, si bien décrite par l’écrivain canadien Douglas Coupland.
Ces garçons et filles de moins de 25 ans «inquiètent leurs aînés», soulignait récemment dans Madame Figaro la sociologue Monique Dagnaud qui est de plus en plus sollicitée par les entreprises épouvantées devant ces énergumènes représentant 21 % de la population française. «Regardez comme le marketing connaît une grande révolution, en passant de la communication simple à celle de l’expérience, explique Axel Dauchez, directeur général de Deezer France, plate-forme d’écoute de musique sur Internet. Le saut de l’Autrichien Felix Baumgartner sponsorisé par Red Bull est intéressant à ce titre. C’est de la communication empirique. C’est pour cela que ça marche auprès d’eux.»
«Acuité phénoménale»
Pirates, adeptes du «tout pour tous et tout de suite», chantres de la gratuité et du copié-collé, les Y-Z souffriraient de bien des maux: on les dit peu créatifs, passifs, désengagés, sans la moindre illusion pour le futur. Présentée dans le cadre du 5e Forum d’Avignon, grand rendez-vous international de la culture qui ouvre ses portes aujourd’hui, une étude de l’Atelier BNP Paribas a passé au scanner cette génération «désenchantée». Cette enquête internationale sur les pratiques culturelles, menée auprès d’une majorité d’étudiants, donne des résultats plutôt inattendus.
Ainsi, 70 % de ces champions du 2.0 se disent par exemple concernés par les droits d’auteur. On se pince! Il n’y aurait donc pas de contradiction entre leurs habitudes de consommation culturelle basées sur les «vieux» idéaux du Web (exhaustivité, facilité, gratuité) et la rémunération des artistes. Ce chiffre n’étonne cependant pas Axel Dauchez: «Il est stupide de croire que cette génération a construit son identité autour du piratage. En revanche, elle compare avec une acuité phénoménale les expériences qu’on lui propose. Avant l’arrivée de l’iPhone, le service d’iTunes n’était pas à la hauteur de ce qu’elle pouvait en attendre et elle n’y allait pas.»
Si un service meilleur, mais payant, se présente, les jeunes seraient disposés à casser leur tirelire pour en profiter. C’est le cas pour la musique, bien culturel le plus populaire pour 94 % des 15-25 ans, juste devant des vidéos (92 %) et des photos (91 %). Une musique à laquelle ils accèdent directement en ligne sur des sites proposant un abonnement ou une écoute gratuite financée par la publicité (à 90 %) plutôt que sur les plates-formes de téléchargement d’usage plus restrictif (86 %). Néanmoins, en 2012, le chiffre d’affaires de l’industrie du disque en France devrait reculer pour la dixième année consécutive.
«Bricolage existentiel»
Les applications d’accès à la culture directement en ligne favorisent le partage de contenus. C’est l’autre grand enseignement de l’étude. En 2012, les générations du numérique s’échangent leurs propres créations: photos, vidéos, musiques, jeux. Au point qu’ils constitueraient «une nouvelle classe moyenne de créateurs». «Ils sont multitâches, zappeurs de génie, passés d’une réflexion linéaire à un coupé-collé intuitif, constate Monique Dagnaud. Nous assistons avec les Y et Z à une vraie mutation anthropologique.» Pour le théoricien des tribus, le sociologue Michel Maffesoli, Google a d’ailleurs déjà anticipé ce phénomène. «Elle impose à ses salariés de passer entre 15 et 20 % de leur temps de travail à faire autre chose, explique-t-il. Ils peignent, lisent, font de la poésie, etc. La firme américaine sait qu’elle pourra réutiliser toutes ces formes de créativité.» Face à la crise, les générations numériques se réfugieraient dans ce «bricolage existentiel» qui, selon Claude Lévi-Strauss, marque le passage d’une civilisation à une autre.
«Foi en l’avenir, travail, raison: ces jeunes ne se retrouvent pas dans ce tripode de leurs parents et investissent par conséquent l’idée de création, de présent et d’imagination», estime encore Michel Maffesoli. Reste à connaître le rôle que pourra tenir à l’avenir cette classe émergente de créateurs et quelle sera son influence sur l’économie de la culture et sur la société de demain.
Forum d’Avignon 2012, Palais des papes, Avignon, du 15 au 17 novembre
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