Source: www.lagazettedescommunes.com
“La France compte plus de 40.000 églises catholiques, mais faute de rénovations de plus en plus difficiles à financer, une partie de ce patrimoine est très fragilisée, quand certains lieux inusités ne sont pas tout simplement promis à la démolition.
Pour la quatrième année consécutive, l’Eglise de France organise samedi 5 juillet 2014 une une « Nuit des églises » dans quelque 600 lieux de culte. Objectif : sensibiliser aux beautés d’édifices qui, pour certains, sont fermés le plus clair du temps, en l’absence de messes, de prêtres et de fidèles.
C’est un paradoxe français. Un patrimoine exceptionnel de 45.000 églises paroissiales – sans compter chapelles privées et abbayes -, dont un tiers protégé au titre des monuments historiques, patiemment bâti depuis l’époque médiévale. Mais un nombre croissant d’édifices déconnectés de leur objet cultuel en raison du déclin de la pratique religieuse, tandis que les prêtres diocésains sont toujours moins nombreux (13.822 en 2011 contre 25.203 en 1990). Si l’Eglise en est l’affectataire, ce sont les communes qui possèdent les églises construites avant 1905, en vertu de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, et doivent donc assumer leur entretien. Une bénédiction pour les diocèses, qui possèdent plus de 2.000 églises bâties au XXe siècle, mais un casse-tête pour des collectivités de plus en plus étranglées financièrement.
Certaines situations locales douloureuses ont fait les gros titres, comme en 2013 en Maine-et-Loire, où plusieurs églises du XIXe siècle – très nombreuses, et pas toutes d’un grand intérêt architectural – ont été détruites. Les habitants de Plouagat (Côtes-d’Armor), au contraire, ont plébiscité en septembre le sauvetage de leur clocher, symbole du village pour nombre d’entre eux, croyants ou non.
Très médiatisées, les démolitions constituent toutefois « un épiphénomène », reconnaît Maxime Cumunel, délégué général de l’Observatoire du patrimoine religieux. Le blogueur spécialisé Benoît de Sagazan en a listé une vingtaine depuis les années 2000, tout en évaluant à 270 les édifices « en danger » aujourd’hui.
« Abandon soft » – « Le vrai sujet, ce n’est pas la destruction mais l’abandon des églises, que l’on ferme, dont on ne restaure pas la toiture, qui tombent en ruine », explique Maxime Cumunel. Même la situation de Paris, où il dénonce un « abandon soft », l’inquiète. « Sur les 85 églises qui sont la propriété de la ville, je peux vous en citer au moins 20 dans un état épouvantable, du fait d’un sous-investissement chronique depuis les années 70. Vu la fréquentation de ces lieux et l’envergure touristique de la capitale, c’est indigne », juge-t-il, soulignant que le World Monuments Fund a inscrit en octobre deux églises parisiennes (Saint-Merri et Notre-Dame-de-Lorette) sur une liste de 67 édifices en danger dans le monde.
Face à ce problème, la municipalité dit préparer un « plan églises » qui pourrait s’élever à 80 millions d’euros sur la mandature (2014-2020), tout en espérant en faire un « levier » pour trouver d’autres financements privés.
« On paye un déficit d’investissement des dernières décennies. Il faut que nous assumions notre responsabilité, c’est tout à fait normal, y compris sur une dizaine d’églises où c’est devenu très urgent », reconnaît Bruno Julliard, premier adjoint à la maire de Paris, chargé du patrimoine. « Mais autant en raison du contexte budgétaire que sur le fond, il n’apparaît pas incohérent que sur ce type de bâtiments, il y ait du mécénat. »
Si l’utilité des églises n’est pas en cause à Paris, la question se pose parfois en zone rurale. « L’Eglise n’a pas pour vocation d’entretenir un patrimoine. Il est normal qu’elle le fasse vivre, mais il faut que ce soit accordé aux besoins du culte qui, eux, varient », fait valoir le père Jacques Rideau, directeur du Service national de pastorale liturgique et sacramentelle à la Conférence des évêques de France. « Ce qui me frappe c’est que la polémique se développe toujours sur le même ton : +L’Eglise n’arrête pas de détruire+. La réalité, c’est qu’elle a au contraire beaucoup construit depuis 1905. »
Pour l’historien Alain Croix, il faut « cesser de poser le problème en termes de conservation ou de destruction » et réfléchir davantage à la reconversion des lieux. Comme au Québec ou en Grande-Bretagne, où des églises sont régulièrement vendues pour devenir logements, bibliothèques ou… salles de billard.
« Il y a des gens qui ont une vision du patrimoine absolument consternante, qui consiste à dire : +Il faut tout garder+ », estime l’universitaire, « cela ne fait pas une politique d’avenir ».
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